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Marc Vasseur (Journal à quatre mains)

Nouvelle (3/3)

8 Mars 2007 , Rédigé par Marco Publié dans #En pure perte

Depuis longtemps, il a arrêté de se poser la question du quand ? Quand il a choppé c’te merde… à la naissance… même avant… c’est dans les gènes comme pour le boulot. Il sait seulement que pour ses enfants… c’est couru d’avance… à moins que… c’est pour ça qu’il parcouru la moitié de la ville sans s’arrêter, sans se retourner sur une de ces bourgeoises qui sent le frais et le beau.
De son existence, il a acquis quelques certitudes, le beau et le laid ont une marque olfactive. Le laid ça pue, le beau ça sent bon. Quand on est jeune, on n’est pas encore assez imprégné de son vécu pour s’en rendre compte ; pour le pinard faut du temps, là c’est pareil. Et comme en plus, il y a toujours une odeur désagréable dans son quartier, il est certain de cet état de fait.
Il y a maintenant deux heures, une veille lui a demandé de l’aider à traverser la rue, Pierre s’est exécuté ; de l’autre coté cette femme en lisière de vie, dans un souffle, lui a glissé  « tu vas changer de vie ». Pierre, n’a pas hésité et a demandé à la veille comment. C’est pour ça qu’il est là, à savourer sa, déjà, ancienne vie.
Des mioches, une femme qu’il regarde du mieux qu’il peut, comme on jette un œil absent sur un bouquet de fleurs fanées, des boulots de temps à autre, les allocs et une télé alimentée par un décodeur pirate… c’est ça la vie de Pierre alors de temps à autre il s’oublie avec ses potes au café d’André à boire des galopins… avec ça t’as l’impression d’en boire davantage et la tournée est moins chère. Quand t’es pauvre, faut ruser avec tout, ç’est le secret de la survie.

Il y a belle lurette qu’il a compris ça, dès la maternelle pour tout dire… pour pas prendre de mauvais coups faut être le plus transparent possible surtout si t’as pas le physique à en donner… c’était le cas de Pierre mais même comme ça on est jamais vraiment à l’abri.
Cette femme qui lui dit qu’il peut changer de vie, c’est comme lui dire qu’enfin il va exister, qu’il va être quelqu’un… sans y croire, il y a toujours cette infime espoir de se sortir de sa minable existence.
Cette vieille l’attendait là, dans cette piaule minable et puante, un corps putréfié gisait dans une baignoire posée au milieu de la pièce. Autour, d’autres femmes, nippées en dimanche, les seins siliconés, les lèvres gorgés de botox ; Pierre ne comprenait pas, il ne comprenait plus, il venait de changer de vie… en changeant de vie… il murmura juste… « La salope ».

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